L’amie des îles m’envoie ceci :
Le crépuscule est l’apéritif de la nuit
Le poisson est toujours de profil
Le q est un p qui revient de la promenade
Le pire avec les médecins c’est qu’ils vous regardent comme si vous étiez quelqu’un d’autre
Les larmes désinfectent la douleur
Et cela me met l’eau à la bouche ! Je ne connais absolument rien de cet auteur espagnol mais aussi argentin puisqu’il s’exila en 1936.
Alors je cherche. Je puiserai beaucoup dans l’article récent de Jean-Pierre Salgas dans En attendant Nadeau :
L’amie m’envoie aussi un extrait de Lettres aux hirondelles et à moi-même.
C’est un recueil tardif, publié en 1962 mais dont deux partie étaient déjà écrites en 1949 et 1956. Et comme le dit si bien Jacques Ancet ” Lettres aux hirondelles, c’est encore le Ramón jongleur de mots et de formules, le prestidigitateur tirant de son chapeau hirondelle après hirondelle, les images de l’inépuisable beauté du monde, pour s’en couvrir les yeux et ne pas voir le désespoir de son destin […] ”
Dans l’introduction on trouve ces mots […] quand les hommes institueront les fêtes logiques de la vie, il y aura la fête des hirondelles :
Des phrases, piquées ça et là :
Vous peignez l’air, vous lui faites des accroche-cœurs comme des coiffeuses romantiques.
Votre mission n’est pas celle des oisillons ou des oiseaux et vous êtes plutôt des employées aux écritures qui copient la poésie du grand poète, comme des copistes consommés, plaçant votre motif entre deux sonnets de ciel […]
” Le jour n’a pas d’histoire “, articulez-vous de vos sifflements et de vos jours.
L’hirondelle est une roublardise de la pensée sidérale parmi les hortensias célestes.
Pendant que je vous écris mes lettres, je pense à votre manière de mettre le feu à l’inquiétude, en lui brûlant la crinière de vos zigzags.
Il invente le concept de Greguería : Humour + Métaphore → greguería qu’une de ses traductrices Laurie-Anne Laget appelle Brouhahas, Valéry Larbaud Criailleries et Petites bulles pour d’autres : poser sur les choses un regard décalé, puis des mots sur ce décalage et ainsi les faire se percuter.
Ah, ce choc entre la pensée et la réalité, comme il nous est cher !
On a dit que Ramón préfigurait le surréalisme. On lui a trouvé d’illustres prédécesseurs : Horace, Shakespeare, Lope de Vega, Saint-Pol Roux – son préféré – et Jules Renard avec qui il a, paraît-il de nombreux points communs. Jorge Luis BORGES conteste absolument cette ressemblance. Il faut aussi aller voir du côté de Automoribundia, autobiographie qui couvre la période de 1888 à 1948.
Pour moi il est singulier. C’est parce que je le découvre et je n’ai pas fini car son œuvre est immense !
En cherchant, j’apprends avec stupéfaction que France culture lui a consacré une émission le 12 février (émission La compagnie des poètes par Manou Farine). Collision encore !
” On voit que le vent ne sait pas lire quand il feuillette les pages d’un livre à l’envers. » Podemos ver que el viento no puede leer cuando hojea las páginas de un libro al revés
Superbe billet joliment plié, avec que des bonnes choses, merci à vous et Ramon (que je ne connaissais pas bien sûr) !
Juste un petit communiqué, la météo d’ici y tient : “On voit que le vent sait lire le japonais quand il feuillette les pages d’un livre à l’envers.” ?
Mais de toutes les brumes et de tous les quais du monde, le même espoir est vécu : “Les mouettes naissent des mouchoirs que l’on agite au départ du bateau.”.
Oh joli l’aphorisme du vent lecteur de japonais ! On ne parlera pas de l’arabe…
C’est une découverte pour moi aussi. Et ce matin, non pas des hirondelles mais des grues qui dansaient là-haut. Image dans le com du com : faut que tu m’apprennes.
Haut salut aux grues de chez vous !
Image dans le com du com : faut que tu m’apprennes.
Mettre une image dans un commentaire? A priori ce n’est pas possible.
Mais faisons un test avec un petit programme (non traduit) qui semble le permettre ↓
Pour moi, ça marche ! Une seule grue, très haut, ayant égaré ses compagnes, guidée par un sextant au sol ! Très beau !
Je devais aller à un de ses concerts qui a malheureusement été annulé… Quant à l’espagnol, je ne connaissais que son nom, les drôles d’oiseaux s’expriment en vols dispersés, pas facile de les cerner !
Rien ne remplace le concert, évidemment ! Mais on se console (?) avec ce qu’il a laissé.
Effectivement, hirondelles et martinets sont reines et rois du ciel, on les écoute ” comme si elles écrivaient une suite de pensées, les unes plus brèves que les autres, toutes heureuse et soupçonneuses. “