Je ne me fais pas à l’idée qu’elle s’appelle autrement. Pour moi, c’est Feggari, la lune en grec. D’ailleurs, elle vit là-bas. Je crois qu’elle aime beaucoup vivre sur son île. Je n’en sais pas plus.
Elle fait des photographies. Elle est plus que photographe, parce qu’elle écrit, elle peint et compose avec ses photos. Ses partitions couvrent tous les modes. Et ces hauteurs d’une échelle autour d’une tonique (définition d’un mode) portent des noms grecs. Cela commence bien ! Parce que modes majeur ou mineur n’auraient pas suffi. Sa palette est très vaste.
Les photos de Feggari, ça se passe chez le voisin ou dans le chaos initial. Enfin, si quelque chose se passe parce que très souvent, il ne se passe rien. C’est très ancien (voire archaïque, dans le sens du Commencement) ou tout neuf ! Au début était la pierre. Au début était l’eau. Tout commence avec cette rencontre.
La plupart du temps, on est plongé dans un espace étrange – l’inquiétante étrangeté – et un temps indéfini. On voyage, loin et longtemps. On est arraché au banal. Parfois, ça fait mal, parfois c’est joyeux :
Il y a souvent des lumières sur l’origine desquelles on s’interroge. Chacune de ces petits fleurs brillent de l’intérieur : autant de petit soleils. Attention, je n’explique pas les photos de Feggari (qui suis-je, moi, pour prétendre cela ?) ! Je dis simplement comment elles traversent ma sensibilité.
Celle-ci, par exemple (à gauche) : elle m’a parlé à l’oreille. J’ai voyagé avec elle. Dans cette disparition. Dedans, dehors, il y a tant d’absence ! Même les nuages sont seuls.
J’ai été cette voyageuse, dans la solitude marron du rideau.
Et puis d’autres images claquent :
Un texte de Klee chantait à côté de l’oiseau. Un a capella pour une image.
Ce qui me « chope » le plus dans ses images, c’est la profondeur de l’œil, ou plutôt comment elle fait jouxter le lointain et le proche, le mouvant et l’immobile, le petit et l’immense, le dérisoire et l’inévitable. Il y a là de l’inconsolable. C’est mon interprétation, mon ressenti, ma projection sans doute. Photos de silence, celui qui suit les grandes tempêtes.
Mais pas toujours. Feggari a un angle de vue, un point de vue, et parfois… une vue sur mer, c’est simple, beau. On aimerait être là, avec elle, si elle nous accepte dans sa solitude.
Vous l’aurez compris : j’aime l’univers de Feggari Xouw. Vous avez le choix : vous entrez ou vous restez spectateur. Si vous entrez…
Le choix musical est toute une histoire : j’avais trouvé une chanson avec son nom, Feggari. Elle m’a donné une interprète que j’ai découverte, Haroula Alexiou. Elle souhaitait une autre chanson, très tragique. mais j’ai gardé Asteri mou, feggari mou – Αστέρι μου φεγγάρι μου – dont les paroles sont sublimes « Nous deviendrons des oiseaux ». Et pour ça aussi, merci.