En ce jour où mon fils Thomas aurait eu quarante ans, ce mot est une évidence. Je gis ma vie, écrit Pessoa dans l’immense livre.
Il y a quelques jours, une amie me parle de ça, de l’intranquillité, de cette sourde permanence, qui n’est ni inquiétude ni angoisse. Pas d’autre mot : il est parfait. Parfait et douloureux. En portugais desassossego. Il dit si bien ces pensées sans lien apparent, et “une conscience aiguë, presque insoutenable, des êtres et de l’existence, mais qui suscite aussi curieusement, parfois, une douceur indicible, un bercement insondable au cœur de ce ciel où, déclare Fernando PESSOA, je me constelle en cachette et où je possède mon infini.»*
Nous sommes décousus de notre vie, comme nos pensées. Nos rêves sont en verre dépoli, entre le monde et nous.
Je savoure sans amertume la conscience de n’être rien, l’avant-goût de la mort et de la disparition… Nous faisons les comptes et nous perdons ; nous additionnons et nous passons ; nous faisons le bilan et l’invisible solde est toujours négatif… C’est une saoulerie de n’être rien et la volonté est un seau qu’on a renversé au passage dans la cour d’un geste indolent du pied.
En ces temps de pensée attaquée par le langage (Pôle emploi pour le chomage ! Évaluation ! etc.), en ces temps de servitude volontaire que personne ne doit freiner et surtout pas les rêveurs tristes (la dépression est un frein pour le SYSTÈME), rêveurs actifs de votre rêverie, même s’ils sont intranquilles, rejoignez vos rêves et restez convaincus que sans l’art, la vie n’est rien : La littérature est la preuve que la vie ne suffit pas.
Où est la nuit ?
Cette nuit si recherchée
Pourquoi sommeille-t-elle dans ma main ?
Thomas, 7 ans
*Laure Anciel