Les enfants me fascinent, surtout les tout-petits. Je reste là, stupide, à les contempler, à essayer de comprendre dans quel monde ils sont, à regarder la perfection de leurs mains. Je les écoute quand ils vocalisent, roucoulent. Bref, je suis un peu gaga ! Pas gnan-gnan, hein ? Parce qu’il y a déjà de la difficulté à être, chez eux, ne serait-ce que cette totale dépendance : » Si l’on ne me nourrit pas ? Si personne ne me parle ? Si l’on me laisse tout seul dans mon lit ? » Quelle angoisse !
Je ne sais, en les regardant, ce que je cherche, ni même si je cherche quelque chose. Mais j’éprouve souvent une grande mélancolie. Je ne sais si cette faiblesse est pathologique.
Je connais des gens que les petits enfants n’intéressent pas du tout – surtout des hommes – et je crois savoir pourquoi : Infans, c’est celui qui ne parle pas et moi, c’est cette absence de langage justement qui me parle et m’émeut. Ce petit enfant de Vuillard qui dort tout engoncé dans ses oreillers et ses rêves…
Comment se glisser dans cet univers, comment parler en acceptant de ne pas avoir de réponse verbale ? Juste un geste, un regard. Je crois qu’il n’y a pas plus difficile à peindre ou à photographier que les petits : toujours quelque chose manque, quelque chose d’essentiel et d’indicible. C’est trop « mignon ».
Sofonisba Anguissola Le petit garçon pincé par une écrevisse – ci dessous
Gus Bofa ci contre
Alors, apprendre à les écouter en les regardant, retouver – pour certains, c’est très facile ! – notre état d’esprit enfantin. Entrer dans l’eau pour la première fois, goûter un fruit, regarder à l’envers… déguster le mot en sa plus verte nouveauté : oublier le trop plein d’acquis, redevenir infans.