On ressent tous ça, une crispation. Enfin, de quel droit dis-je » tous « ? Mais il y a si peu de joie aux alentours, ces temps-ci. Des sujets de crispation, une vague mélancolie cachée sous une encore plus vague résignation : » C’est comme ça, hein ? Qu’est-ce que tu veux y faire ? « , des peurs profondes planquées sous des discours à l’emporte-pièce, question/réponse. Des peurs qui viennent d’où, entretenues par qui, qui arrangent qui ? Pas le temps d’analyser les peurs. Des réponses, vite, c’est si rassurant les réponses. Des explications, vite, pour qu’on comprenne. Comprend-on ? Et après ?
Les mots fusent, des torrents de mots, des avalanches de raisonnements. On est au bord, on regarde passer les torrents, les avalanches. Souvent, on reconnaît quelque chose, on se dit » Ah là, oui, je suis d’accord ! » et puis on entend autre chose. On voudrait s’agripper à un mot fort, une idée solide, un truc imparable : ça n’existe pas. On le savait mais on avait besoin. On vacille, sauf sur deux ou trois convictions qui font partie de nous comme un organe. Mais on bute sur la façon d’organiser tout ça, d’en faire une maison belle et accueillante.
Parce que tandis qu’on questionne, qu’on répond ou croit répondre, que d’autres répondent pour vous, tandis que la vague avance faisant flotter questions et réponses, bonnes et mauvaises confondues dans l’écume, on ne sait plus. Sauf ce que l’on ne veut pas ; on a peur mais c’est vague.
Alors, on trouve ça :
C’est dérisoire et apaisant. Un moment à hauteur de silènes. On pensera plus tard.