Il y a plusieurs mois, j’ai commencé un texte. Je vous en propose ici l’introduction. Le reste suivra au gré du temps, des promenades, des cailloux.
Chaque chemin offre son caillou : c’est un caillou-pensée. Il dit la lumière et la compagnie du fantôme de ce jour, la solitude convoitée. Il dit l’heure et la saison. Un caillou panse.
Quand débute la marche, choisir un caillou qui va l’accompagner. Il précisera une intention voilée, une bifurcation de l’esprit. Il deviendra pensée : c’est la pensée-caillou.
Elle oblige à s’arrondir avec la bogue hérisson du châtaignier.
Elle force à couper net dans la pelote emmêlée et encombrante de la tête, le flux entêtant, l’incessant ronronnement : la pensée-caillou aide à voir le nuage faisant la roue. Elle entraîne dans le fourmillement doré d’insectes dans un rayon.
Elle fait lever la tête jusqu’au ciel pour atteindre la cime des pins bien-veillants ; elle renverse la tête pour la vider ; elle fait ressentir cette douceur très profondément, jusqu’à la reconnaissance, tête redressée, désencombrée.
Les pensées-cailloux vous éloignent de votre maison. Elles vous extraient de votre enveloppe. Le temps d’une promenade, d’un abandon. C’est une amarre qu’on lâche, une ancre qu’on lève, caillou en poche.
Ramenez la pensée-caillou, donnez lui un nom, celui de cet instant présent, instant cadeau.
Plus tard, vous jetterez le caillou dans l’automne. Resteront les pensées. Et encore…
Belle ligne pour ce tracé de chemin qui s’approche.
Merci d’avance pour ce gué, autres rives.
Mais “Caillou” avant d’être pensée, nom, n’est-ce pas d’abord surnom?…
Oui, chemin émaillé de ces petites choses dures dont les traductions m’enchantent : pebble (anglais) et surtout guijarro en espagnol. Et c’est vrai que quelques rares personnes m’appellent encore comme ça. C’est une longue histoire que je raconterai. Allez, Petit Poucet, en route.
Au creux de cette main ce beau point d’interrogation?
Malles trop lourdes! J’en ai ramené plein les poches et les souliers. Géodes du Qatar, roses de sable du Fezzan-Sud libyen-, ammonites des Emirats, cailloux roses, gris, blancs nacrés, noirs et beiges du Tibesti. Chacun a son secret. J’en ai de si beaux que je ne peux m’en séparer. Ils me racontent tous un lieu où nous avons “crapahuté”. Ils me rappellent de si beaux moments. Mais le plus joli-précieux “Caillou” c’est Toi…
En plus, ton fils aimait les pierres… Les cailloux parlent, avec leurs couleurs, leurs formes, les lieux où ils étaient… Et tu en as vu, des pays ! Oui, ils parlent les cailloux. Il faut tendre l’oreille. Celui de la photo, c’est un nuage pour moi, un caillou nuageux. Et moi, je suis ta Caillou bavarde et à l’œil fouineur. Pour toi, un petit poème de Guillevic : “Et si tu vois qu’une pierre te sourit, iras-tu le dire ?” Oui, j’irais le dire à ma sœur, elle comprendra.