Pour Martine, du Jean-Sébastien Bach par les Kurtag
Poussez la porte de l’atelier : vous y êtes et vous enjambez un univers. Vous croyez voir et vous n’avez encore rien vu. Cela n’est pas donné d’emblée. Il faut du temps. Le temps qu’il faut au peintre, qu’il lui a fallu à elle pour choisir et être choisie, pour regarder les lieux, pour ingérer l’espace, immobiles, les lieux et elle. Et pour enfin donner sa partition, ce qui exsude après cette observation mutuelle. Le temps maître, le temps minéral.
L’apparente permanence n’est qu’éphémère accumulé.
Avec les montagnes, on n’est pas dans le maternel, le rassurant ressac à hauteur d’yeux. C’est plus loin toujours, et toujours dans le silence. Et plus c’est loin, plus c’est intérieur. Là où Temps et Montagne se rencontrent.
Ici, même le silence est minéral. Elles sont immenses, ces montagnes, elles paraissent vides mais elles ne sont pas écrasantes. L’air y circule. Paul Guitton disait qu’aller en montagne, c’est sortir de ce qu’en langage religieux on appelle le monde pour entrer dans l’univers.
» Quel nom pour ce lieu ? « * disait Kenneth White. Effectivement, lieu non commun, lieu extrême, lié au Temps, celui de la durée, à l’énergie, celle des forces internes et archaïques, d’autant plus puissantes qu’elles sont cachées.
Ce que Martine Dubilé atteint, c’est, selon la belle expression de Kenneth White » la géologisation de l’être « *. Elle n’y est pas chez elle, dans ces montagnes, elle ne s’y invite pas : elle peint le hors-portée, suivant René Daumal qui disait : » La porte de l’invisible doit être visible « *.
* Toutes citations extraites de Onze vues des Pyrénées suivi de Poétique de la montagne
P.S. 1 : Les vraies couleurs des toiles sont beaucoup plus subtiles que celles des reproductions via scanner.
P.S. 2 : Les images sont extraites du catalogue de l’exposition au Carmel de Tarbes, en mai 2014. Elles ont été photographiées par Nicole Zapata et Céline Mayeu.