D’un seul coup, oui, c’est arrivé ! Un soir, c’était là, dans l’air et dans la qualité de la nuit. On avait été prévenus pourtant. Mais on n’écoute pas, on n’écoute rien ! Des signes et des cygnes aussi. Une lumière qui s’absente plus vite, plus tôt. Des pas moins bien assurés, un petit syndrome de glissement ; pourtant la terre n’a pas encore gelé !
Enfin… on dit que c’est arrivé d’un coup mais ça n’est pas tout à fait vrai. En fait, c’est la prise de conscience qui a assené son coup. C’est nous qui avons compris : il était temps !
On a observé une sorte de lenteur ou plutôt de ralentissement accompagné de silence. Comme une prudence. Ou un retrait. Ou les deux combinés.
On a aperçu quelques fleurs encore : soulagement passager et idiot. Fin d’un règne.
Une gêne aux entournures de la terre. Quelque chose va finir.
Et cette phrase incroyable de RILKE (cité par Bobin dans un article splendide La perte merveilleuse – Empan n°16, décembre 1994) : » Les choses terrifiantes ne sont peut-être que des choses qui implorent notre secours « . Dans ce même article, il raconte une petite histoire qui dit bien des choses : Deux personnes la nuit, dans le rond de lumière d’un réverbère, la première, un peu ivre cherche quelque chose dans l’herbe. Son ami s’approche et lui demande :
– Qu’est-ce que tu cherches ?
– Ma clef, tombée de ma poche
– Tu l’as perdue ici, dans la lumière ?
– Pas du tout, je cherche à cet endroit parce qu’il y a de la lumière.
L’hiver et la vieillesse, c’est presque la même chose à ceci près qu’après l’hiver, il y a le printemps ! Écoutons – toujours écouter – ce qu’ils ont à nous dire.
(Et la vieille dame qui est partie, le choc à vif de la première lecture, à l’âge des colères, de Les enfants de la violence. Doris Lessing ci-dessous)