Vu un documentaire fabuleux sur Rembrandt et il y était question, bien sûr, de la centaine d’autoportraits étonnants que l’artiste a laissée. Les yeux dans l’ombre d’un des premiers – 1628 – accrochent le regard… Où est-il, le jeune homme, derrière ses cheveux indisciplinés ? A-t-il l’esprit troublé comme l’indique l’absence de regard ? Est-il seul et mélancolique ?
Ici encore (dessous) – Autoportrait aux yeux hagards 1630 – un pas de côté dans l’art de se peindre soi-même : la surprise qui habite
les yeux, le mouvement de la bouche, tout évoque la photo instantanée, le vif. Et puis le béret qui dit l’artiste. C’est sa symbolique, elle fera florès (Rodin, Le Douanier Rousseau, Cézanne, Monet, Foujita etc.)
Et enfin, cet incroyable travail sur la peau (1659 -détail), ce regard éloigné déjà…
Vision de soi et/ou vision du monde. Car si la Vanité est un récit moral, l’autoportrait en est le contrepoint. Il ne raconte pas : il dit.
Je n’aborde pas l’aspect technique : passionnant et complexe, c’est l’histoire du miroir ; elle nous entraînerait trop loin. Et puis, les peintres (et ils sont nombreux parmi mes lecteurs) savent tout ça. Je veux juste partager.
J’avoue : Rembrandt me bluffe. Il y a chez lui une singularité et une folie fascinantes. Il est FOU de peinture.
On admirait non sans quelque inquiétude; on le suivait sans trop le comprendre. C’était surtout à son travail qu’il avait des airs d’alchimiste. À le voir à son chevalet, avec une palette certainement engluée, d’où sortaient tant de matières lourdes, d’où se dégageaient tant d’essences subtiles, ou penché sur ses planches de cuivre et burinant contre toutes les règles, — on cherchait, au bout de son burin et de sa brosse, des secrets qui venaient de plus loin. Eugène Fromentin Maîtres d’autrefois