Deux détails du tableau Jeune fille avec instrument d’astronomie de Jan Gossaert (Mabuse) 1520 puis toile entière.
Il y avait dans la bibliothèque où je travaillais un livre dont le titre me parlait : Ce que nous voyons, ce qui nous regarde. Quant au nom de l’auteur, il me plaisait aussi : Georges Didi-Huberman. Si l’invisible n’est pas représentable, il est figurable dit l’historien de l’art dans un autre de ses livres Devant l’image.
Je me demande toujours ce que je vois quand je regarde un tableau, ce que je regarde quand je vois et – surtout peut-être – ce que je ne vois pas ou bien ce que je ne sais pas dire de ce que je vois. Dire qu’une image est d’abord « ce qui résiste au discours » revient à dire qu’il ne faut justement pas s’arrêter à ce « d’abord » dit encore Didi-Huberman.
Dans La Jeune fille avec instrument astronomique de Jan Gossaert, ce qui étonne d’abord, c’est le trompe-l’œil en clin d’œil du cadre fictif duquel sort la jeune fille : vous croyez que je ne le sais pas que je suis une peinture dans un cadre ? nous dit-elle. Puis on regarde ce regard qui simultanément nous regarde et nous traverse, regarde derrière nous. Ensuite, parce que j’y suis toujours très attentive et que je reste frivole, je scrute les tissus, les broderies, les coiffes et coiffures, les bijoux et je m’arrête sur les petites perles cousues sur les manches. Enfin (?) je vois ces mains qui tiennent l’étrange objet, des mains d’enfant, délicates et qui savent tenir un objet précieux, celui de la connaissance.
Lisibilité et visibilité peuvent-t-elles se côtoyer ?
Ne pas vouloir saisir l’image, se laisser saisir par elle et se laisser dessaisir de son savoir sur elle [… Bref, il s’agit] de se réinquiéter à chaque fois. G. Didi-Huberman
M. Nick Coper me fait trop d’honneur. Tout le monde connait le théodolite pour l’avoir croisé souvent sur les chantiers ou même dans les rues. C’est l’instrument des géomètres avec lequel ils
font le relevé d’un terrain par triangulation. C’est en fait une lunette de visée qui se déplace sur un axe horizontal et un axe vertical, chaque déplacement étant lu sur un “rapporteur” gradué.
Un appareil simple donc pour mesurer des angles.
Je ne peux pas dire que l’astrolabe est un appareil simple. L’astrolabe sphérique encore moins. Mais c’est parce que je n’ai pas bien compris à quoi ça sert. Déja manipuler la hauteur d’un astre
(en 3 dimensions, mais faut au moins comprendre où est le zéro !), sa situation par rapport à un autre (qui est mobile lui aussi !) le tout à un moment donné (qui est différent du moment
précédent !), ça me donne le tournis, et comme je suis paresseux, j’abandonne très vite.
Mais Claire a certainement raison, il s’agit ici d’une sphère armillaire ou astrolabe sphérique. D’ailleurs :
” Les portraits des savants et des personnalités de la Renaissance montrent souvent ceux-ci avec une main sur une sphère armillaire qui représente alors le sommet de
la connaissance et de la sagesse.” (Wikipedia)
Ce qui me surprend, c’est le format de l’appareil, comme s’il s’agissait d’un jouet. Ce doit être une version simplifiée. Et que fait cet instrument dans les doigts de cette bien jeune fille ?
OUH OUH, Nick ? Vous êtes là ?
Imaginez : Dr D. déclare forfait sur l’astrolabe sphérique ! Alors ça… J’y crois pas !
La demoiselle était une princesse et parfois certaines avaient l’exceptionnelle chance d’accéder à l’étude et à la connaissance. Voir la copine de Voltaire, celle qui passait pour folle parce
qu’elle prenait un bain tous les jours.
Le curieux instrument, ce serait pas un théodolite des fois? (what do you think about, Dr D?)
Non, Monsieur Nick Coper : c’est une sphère armillaire ou astrolabe sphérique. Et toc ! Bien plus ancien que le théodolite. Mais le Dr D. voudra peut-être rajouter sa pincée de cambouis. Car je
fais ma fiérote mais je suis très ignorante.
Merci Claire pour tes billets toujours très “inspirants”. Et comme souvent, proximité d’intérêts et de lectures : je voudrais lire actuellement Ecorce de Didi-Huberman… Et puis coïncidence (??)
entre la première illustration de ton billet et la carte de voeux de Lucie
Merci vraiment à toi, Véronique… En fait, je voulais parler de Didi-Huberman à propos de son livre Atlas ou le gai savoir inquiet : j’ai écouté une émission passionnante sur ce
sujet. La lecture de ces textes est parfois un peu aride, ça vole très haut, trop parfois pour moi. Mais ce que j’en comprends m’éblouit.
Et ouiouioui, coincidence totale entre Lucie et mon billet : j’ai ouvert sa carte de vœux après avoir choisi les illustrations : j’étais ravie !
Ne pas vouloir saisir l’image, se laisser saisir par elle et se laisser dessaisir de son savoir sur elle [… Bref, il s’agit] de se réinquiéter à chaque fois. G. Didi-Huberman
J’aime bien !
N’est-ce pas que c’est bien VU ? Que serait-on sans ces gens qui nous éclairent, même sur nos inquiétudes.