Deux détails du tableau Jeune fille avec instrument d’astronomie de Jan Gossaert (Mabuse) 1520 puis toile entière.
Il y avait dans la bibliothèque où je travaillais un livre dont le titre me parlait : Ce que nous voyons, ce qui nous regarde. Quant au nom de l’auteur, il me plaisait aussi : Georges Didi-Huberman. Si l’invisible n’est pas représentable, il est figurable dit l’historien de l’art dans un autre de ses livres Devant l’image.
Je me demande toujours ce que je vois quand je regarde un tableau, ce que je regarde quand je vois et – surtout peut-être – ce que je ne vois pas ou bien ce que je ne sais pas dire de ce que je vois. Dire qu’une image est d’abord « ce qui résiste au discours » revient à dire qu’il ne faut justement pas s’arrêter à ce « d’abord » dit encore Didi-Huberman.
Dans La Jeune fille avec instrument astronomique de Jan Gossaert, ce qui étonne d’abord, c’est le trompe-l’œil en clin d’œil du cadre fictif duquel sort la jeune fille : vous croyez que je ne le sais pas que je suis une peinture dans un cadre ? nous dit-elle. Puis on regarde ce regard qui simultanément nous regarde et nous traverse, regarde derrière nous. Ensuite, parce que j’y suis toujours très attentive et que je reste frivole, je scrute les tissus, les broderies, les coiffes et coiffures, les bijoux et je m’arrête sur les petites perles cousues sur les manches. Enfin (?) je vois ces mains qui tiennent l’étrange objet, des mains d’enfant, délicates et qui savent tenir un objet précieux, celui de la connaissance.
Lisibilité et visibilité peuvent-t-elles se côtoyer ?
Ne pas vouloir saisir l’image, se laisser saisir par elle et se laisser dessaisir de son savoir sur elle [… Bref, il s’agit] de se réinquiéter à chaque fois. G. Didi-Huberman