Je ne suis pas la seule à avoir eu cette idée. Il y a, chez la Barbara de la fin quelque chose de très suspendu, d’infiniment fragile et de miraculeux.
Elle est, oui, suspendue sur ce vide, à la fois ténu et immense du grand passage. Elle nous dit encore quelque chose comme quelqu’un qui parle en s’en allant, tête tournée vers nous mais corps vers l’absence. On sait que ces paroles dites là sont essentielles mais on ne les entend pas avec l’oreille…
À la fin, on ne comprend presque plus ce que chante Barbara … Si théâtralement folle, ailleurs, au fin fond d’elle même et comme désincarnée, en ombre chinoise. La voix s’effiloche. Il reste un souffle, juste un souffle qui s’épuise à tenir, un à-bout-de-souffle, l’essence d’un geste intérieur qui s’en va. (photo Barbara : Marianne Rosentielh)
La première fois que je l’ai vue, j’avais 15 ans à peine. C’était à Tokyo, quartier Shibuya, au théâtre. Depuis ce soir-là, dans ma tête s’est gravé son nom : « Barbara ». Tu vis dans mon plexus sacré, immortelle… dit Mari Kazue, danseuse et chanteuse japonaise qui a été assistante de Tatsumi Hijikata (un des pères fondateurs de la danse Butô) et qui chante Barbara.
Dans le théâtre nô du Japon (inventé au XIVe siècle), c’est le masque de la fin de la vie. La beauté absolue de la femme âgée, quand la jeunesse s’en est allée. «Vieillir, c’est devenir transparent, être quitté peu à peu par la vie.» Le regard du masque est tourné vers l’intérieur. Comme Kazuo Ohno, comme Barbara.