Assez récemment, je me suis surprise à dire ” ma ” ville lorsque je parle de Bordeaux… C’est d’autant plus paradoxal que ses changements notoires me la rendent parfois étrangère ou à l’inverse me donnent l’impression de déjà vu. Je m’explique : Bordeaux a changé, c’est indéniable. Il y a dans ces changements des éléments qui la rendent plus belle et d’autres qui agacent parce qu’ils la font ressembler à d’autres villes, villes-monde, le côté branché et bobo, les petites rues pleines de boutiques chicosses et de petits bistrots tralala. C’est sympa mais ça pourrait être Paris… Ça veut avoir l’air mais c’est un peu frime et artificiel. Je sais que je vais paraître snob mais ” c’est pour les touristes “.
Des bistrots roses avec des flamants…
Des barbiers
Des boutiques de vêtements sans affichage de prix (on a peur)
Des trucs bizarres : à vendre ? à emporter ? travaux ?
Des néologismes franchement atterrants ! CRÉATEUSE, annonce la dame qui fait des choses – je ne sais pas quoi tant j’ai été fascinée par le mot. C’est qu’il est moche quand même… Je ne vais pas entamer ici le débat de la féminisation de certains termes mais là… Créateuse… me laisse songeuse. Faut oser quand même !
Trouver en déambulant un magnifique club d’échecs et apercevoir par les vitres plein d’enfants attablés et concentrés (une pensée pour mon ami Isaac) :
Sentir le fleuve tout proche. Marcher les yeux vers le haut : à Bordeaux, les merveilles se nichent en hauteur. (Attention quand même aux cyclistes, trottinettistes et autres déambulateurs à roues qui, s’ils sont virtuoses, sont nombreux et… pressés !). Les mascarons * y sont nombreux et superbes. Les balcons très souvent ruisselants de plantes. Les portes magnifiques.
Oui, c’est une très belle ville…
Certains quartiers ont perdu leur ” jus ” : Bacalan la travailleuse voit pousser un petit immeuble chic par jour. Les quais ont leurs boutiques et leurs ” marques “. Mais c’est le prix à payer d’une ville si ” attrayante “. J’arrête : je vais virer au ” c’était mieux avant “, à la nostalgie des croûtons croulants.
Quand je reviens chez moi, je suis contente de retrouver sur mon balcon, loin du bruit et des trottinettes, ceci et cela :
À gauche une riquiqui, si mignonne, mais vraiment petite…
À droite, ma sauge qui fait n’importe quoi mais aussi des fleurs.
Ce n’est pas grandiose.
C’est cadeau.
J’aime bien ma ville, surtout quand j’en suis à dix kilomètres même si elle est la seule en France à avoir 4 SMAC (scènes de musiques actuelles) !
Et cette chanson – je vais peut-être me faire des ennemi(e)s – que j’aime tant ! Groupe bordelais d’origine.
Photo de Une : Clarisse Méneret-Massart.
* Le mascaron : « est une tête chargée ou ridicule, faite à fantaisie, comme une grimace, qu’on met aux portes, grottes, fontaines… Ce mot vient de l’italien Mascharone, fait de l’arabe Mascara, bouffonnerie ».
C’est vrai que créateuse … c’est vraiment moche et je n’arrive pas à savoir pourquoi, c’est instinctif ! D’ailleurs le correcteur orthographique n’aime pas du tout.
Créaturesse aurait été mieux, hein ? (bon le correcteur n’est encore pas content, il m’embête celui-là, j’écris comme je veux … enfin presque).
Mais non, ce n’est pas instinctif : c’est parce qu’il existe un mot, c’est créatrice ! Créateuse, ça fait menteuse, ça fait ” z’avez vu ? J’innove ! ” Néologisme, on n’a rien contre toi (sauf les correcteurs), mais il faut qu’on ait besoin de toi et, si possible, que tu sois BEAU. Par exemple, le mot ARCHITECTEUR m’horripilait jusqu’à ce que je découvre qu’il est la contraction d’architecte et constructeur. Bon, là, on est d’accord.
Je crois que nous nous sommes mal compris. Quand je dis que c’est instinctif, je veux dire que je trouve que ce mot est moche, c’est mon instinct qui le dit (si si j’en ai un), sans réfléchir, mon instinct me dit “cé pa bô” … et je le crois !
Bon, il y a plein de nouveaux mots que je ne comprends pas, je regarde la définition mais j’oublie presque instantanément.
C’est bien embêtant…. Bordeaux mieux avant? Au temps de la fac c’était pas top, trop noire cette ville, trop sombre, fermée à son fleuve, peu attractive pour les étudiants relégués dans la pampa du nouveau campus, loin de tout…. je n’ai pas gardé un souvenir très lumineux de cette époque. Mais c’est vrai qu’elle était tranquille, peut être un peu trop bourgeoisement correcte. Aujourd’hui elle est belle, dans son habit XVIIIeme rénové, « dé noircie », avec les berges du fleuve ouvertes à tous…. touristes et bobos compris hélas !
Tu as parfaitement raison ! La ” belle endormie ” s’est tournée vers son fleuve à nouveau. Et ce n’est pas rien…
Mais il y avait plein de petits cinoches partout (et même près de la fac ! L’Idéal Ciné à Talence). Et des bistros aussi mais plus formica et vrais. Et des librairies… As-tu souvenir de celle de la rue du Temple tenue par deux nanas très sympas : j’y trouvais des merveilles !
Elle est belle, notre ville. C’est peut-être l’époque que je n’aime pas ! (tourisme de masse = horreur pour moi).
Est-ce que toutes les villes ne prennent pas le même chemin ? on les sauve de la ruine en les déshumanisant.
Si, elles deviennent propres sur elles, esthétiquement impec… Mais leur vieille âme disparaît proportionnellement à la flambée des loyers et du reste. Elle est belle et froide.