J’apprends la mort d’une femme avec laquelle j’ai longtemps travaillé ; je suis traversée par l’émotion, une émotion que j’ai du mal à analyser.
Il y a dans ma vie quelques femmes importantes. Dans ma vie professionnelle, je n’ai eu que des « patronnes » et c’étaient de sacrées bonnes femmes ! Non, j’ai eu un patron et voyez, je l’ai oublié !
Je n’ai pas un tempérament de chef ; je suis plutôt une exécutante ; mais pour collaborer, j’ai besoin d’admirer. Si je ne me dis pas « Ça, je ne saurais vraiment pas le faire ! » ou « Mais comment elle arrive à faire ça ? », je ne peux pas travailler.
(Sur les quatre femmes qui ont été mes directrices, il n’y en a qu’une que je n’ai pas admirée du tout. C’était une grand perverse, très manipulatrice et destructrice . Je l’appelais Cruella. Elle avait du pouvoir mais le mettait au service de mauvaises causes. N’en parlons plus.)
Les trois autres, outre qu’elles avaient des convictions fortes et qu’elles s’engageaient à fond, m’ont amenée à réaliser des choses dont je ne me croyais pas capable ; elles m’ont fait confiance. Elles ont tiré le meilleur de moi. Je l’ai fait, je savais le faire mais ne le savais pas. Elles, oui. Et elles avaient un projet auquel j’adhérais. Une de ces femmes est partie depuis longtemps : elle me manque encore.
Celle qui vient de mourir, dont j’apprends par la presse la disparition, c’est comme si je recevais une gifle… Une trahison de quitter ainsi la vie.
Pourtant, ce n’était pas toujours facile de travailler avec elle ! Pour arriver au but, elle prenait parfois des chemins de traverse, des déviations, des chemins tortueux . Elle n’était pas toujours très claire dans ses stratégies. Au passage, parfois, un peu de casse. Mais, elle y arrivait. Elle aimait les auteurs, les illustrateurs, les créateurs. Elle mettait tout en œuvre pour qu’ils soient célébrés et… heureux. Toujours plus grand, toujours plus beau ! Et on aimait ça, avec elle, pour elle. Je suis – entre autres – très fière d’avoir participé à l’élaboration d’une magnifique plaquette consacrée à Roland BARTHES. Et d’avoir parlé avec Nicolas Bouvier pour avoir une de ses photos. J’ai en mémoire son engagement auprès de certains auteurs, je pense à Ismail Kadare. Alors, oui, j’oublie les difficultés, les tensions, les heures de travail empilées sans compter, les frayeurs des échéances trop courtes. Je ne garde que les beaux souvenirs, le bonheur de certaines rencontres et le sourire de la dame.
J’emprunte à Dominique-Emmanuel Blanchard deux chroniques de 2008 et 2009 dans Sud-Ouest :
Un lecteur me signale que le lien n’est pas actif du moins sur sa bécane ; si c’est votre cas sélection, copiez, collez dans le navigateur. Excusez cette petite cuisine interne.
Ce billet pour dire au revoir à une drôle de dame, une femme inoubliable.