La vie est surprenante : je lis quelques chose sur le poète Adonis dans une revue. Je ne le connais que de nom. Il faut dire… un nom pareil ! Il dit : “La poésie offre une nouvelle image et de nouveaux rapports entre les mots et les choses, les choses et l’humain. Elle œuvre à créer et recréer le monde.” Je pèse chaque mot et suis comblée : revenir aux fondamentaux surtout par la poésie ; et puis comme je suis, en cette saison, toute à l’écoute du végétal et qu’il y a longtemps que je n’ai pas parlé d’arbres et de fleurs, je décide d’écrire une petite ode à une fleur qui m’émeut. Or j’apprends que cette fleur était confondue dans la mythologie grecque avec une autre, très proche botaniquement : les larmes qu’Aphrodite versa sur le corps du bel Adonis firent éclore l’ANÉMONE mais l’ADONIS VERNALIS existe aussi. Ci dessous :
Voilà mon Adonis et mes anémones réunis, pour le meilleur bien sûr. Les anémones sont les filles du vent ἄνεμος, ánemos = vent et ce dans de nombreuses langues : windflower, windblume etc. parce qu’elles sont délicates et essaiment très loin. Fleur fragile et voyageuse qui dit autant l’amour dispersé que la persévérance et la renaissance : quoiqu’il arrive, l’anémone repousse chaque printemps.
Mon beau livre sur la nature inspirant les peintres *(merci merci ma Ria) attire mon attention sur ceci : qu’observe-t-on sur la robe de l’amante du baiser de KLIMT ?

Mais oui, vous voyez bien ! Des anémones sur la robe de l’enlacée ! Les jolis bouquets qui parsèment le tissu me disent que ce temps volé au temps, ce bout d’éternité suspendue sont aussi assujettis au vent. Éternelle étreinte : mon œil, les anémones vont s’envoler soufflées par le temps ! Comme l’étaient tous les amoureux d’Alma Malher, y compris le pauvre Zemlinsky ! Dans l’histoire, ce sont les hommes qui sont des anémones, fils du vent, quittant la robe avec leur couleurs vives, allant apporter la reverdie plus loin, juste le temps d’un printemps.
* Quand la nature inspire les peintres : histoire des plantes dans la peinture occidentale de l’Antiquité à nos jours – Hélène MUGNIER – Plume de Carotte, 2012
P.S. : C’est un petit Odilon Redon qui ouvre la page de ce billet : Anémones dans un vase bleu, vers 1912
L’anémone… Ma fleur préférée ! Je vais sur facebook pour t’en offrir un bouquet à ma façon.
C’est vrai ? Chic alors ! C’est vrai qu’entre les teintes et la texture… Je trouve le bouquet d’Odilon un peu sage, il y en avait d’autres mais la petite blanche à droite m’a appelée. J’ai aussi aimé apprendre l’origine : fille du vent. Un spécial Michel, alors.
Voilà exactement le genre de “coïncidences” que j’adore croiser moi aussi dans mes journées.
Et tu sais bien sûr que “étreinte” est l’anagramme d’ “éternité”… : tu les as réunis dans une même belle phrase à propos du tableau de Klimt.
Parfois trop vu, Klimt – il est comme Vivaldi dans un ascenseur, trop entendu… Mais parfois on les re-découvre et on est à nouveau ému!
Quel œil ! Bien d’accord avec Klimt dont il faut – je parle pour moi – prendre des “bouts”, en l’occurrence, les fleurs du vent… Mais que tu aies vu l’étreinte d’éternité, ça… bravo et merci. Quels lecteurs j’ai ! Ça va me faire la journée, cette histoire.
Anémones, la tendance à la fragilité et l’insolence des couleurs .
Les grues passent, les oiseaux font le même boucan qu’en mai.
Mais Zemlinsky tremblotant, lu avec une banalité d’un autre temps, ….. non!
le printemps pointe en frémissant, lui.
Ah j’adore quand tu dis non ! Pauvre Zemlinsky : j’aurais du trouver une autre interprétation, plus hardie, plus excitée, excitante. J’ai failli mettre une chanson de Maurane (Anémone) mais elle était tarte ! Tout ça c’est de la faute d’Alma. J’allais pas mettre du Gustav, quand même ! Ou alors de sa musique à elle. La prochaine fois, on frémira.
J’aime tellement “Le baiser” de G. Klimt que je l’ai mis à l’honneur dans la reposante chambre vert amande. Je ne me lasse pas de décrypter chaque détail. Ce bouquet d’anémones dans son vase bleu est un petit vent de senteur et de douceur. Comme la violoncelliste te ressemble j’ai cru te voir en écoutant Zemlinsky…Encore pour notre plus grand plaisir une belle page…
Pour le Klimt, les avis sont partagés mais j’ai beaucoup aimé… Et encore parfois, suis touchée par – j’allais dire – une odeur, oui, un parfum… Il travaille ses toiles comme un parfumeur, un “nez” !Il me tarde d’avoir les cheveux comme ceux de la violoncelliste.
J’aime beaucoup Zemlinsky mais il est vrai que cette interprétation est “plan-plan” : pas trouvé mieux.
Klimt, moi aussi, j’y vais un peu à reculons, mais : ses dessins ! Et le personnage si attachant.
Pour la petite histoire, et loin de ton texte poétique, j’ai eu besoin d’un plombier, un assez vieux monsieur est venu changer les tuyaux, il s’appelait Adonis. Bon, encore une histoire de tuyaux, et vive la mythologie.
Ah tiens, vais aller voir les dessins du sieur Klimt ! Et j’aime tellement la photo avec son chat…
Mais non, elle est poétique l’histoire du plombier Adonis. Tu imagines le joli film que ça ferait ?
La mythologie : une source inépuisable. Allez, un bouquet pour toi.
Comment se fait-il que nous puissions fermer les yeux et garder en nous le visible ? Et ne nous serait-il pas permis, et même intimé, de faire comme l’anémone qui se referme, au soir, sur ce qu’elle a absorbé de jour, et se rouvre le lendemain un peu plus grande ?
Philippe Jaccottet
Pour Michel Naslot