Suite de la série ” dialogues au vent “, le règne végétal. Toutes les photos sont de Feggari Xouw : qu’elle en soit remerciée, sans fin.
Même si, un peu partout, les saisons sont devenues folles, le printemps avait été frais et pluvieux sur l’île. Alors, partout, couleurs, formes et odeurs sont au plus haut. Des plus petites fleurs aux très vénérables oliviers, c’est un festival : thym épineux du bord des routes, chardons immenses, violets bien sûr mais aussi jaunes – soleils -, coquelicots rouge sombre, genêts au parfum de miel et toutes celles dont je ne connais pas le nom.
La photo de Une est une immortelle : même parfum étrange que celle de nos dunes mais couleur très différente, aussi nommée Lavande des mers ou Fleur de papier. Elle est touchante par ses teintes délicates qui égaient tant le sol et les roches avoisinantes.
L’Olivier en hélice
Elle dit : Depuis combien de temps vrille-t-il ainsi ?
Je réponds : Lauriers et figuiers l’encouragent.
Sur la même dune que l’immortelle, le sentier qui nous mène à la mer nous donne tout !
Vous connaissez trop bien les lauriers pour que je vous montre les ” cartes postales ” que je ne peux m’empêcher de faire : ici, ils poussent dans des ravines où l’eau doit ruisseler à la saison. Si bien que les montagnes sont veinées de coulées roses, un peu comme sur la photo de l’olivier en vrille.
Lorsque le sable gagne sur la roche, nous tombons en arrêt devant ces modestes plumeaux.
Elle dit : Leur ombre est si fragile !
Je réponds : Ils écouvillonnent le sable.
Le tamaris mort
L’arbre poussait au bord de la mer. Les tempêtes printanières, l’érosion du talus, le vent ont eu raison de l’arbre. Il est à la renverse, racines à l’air, suspendu au-dessus de l’eau.
Elle dit : On voit bien les serpents. C’est Gorgone. C’est la Méduse.
Je réponds : De la terre, il ira à la mer.
OPTIMISME
Et si l’arbre brûle, reste la lumière – Αισιοδοξια, Κι αν το δεντρο καιγεται
Et si l’arbre brûle reste la cendre et la lumière
dans le désert les cactus prennent racine.
Si les sources se sont taries il pleuvra à nouveau
le jeune fils reviendra
à la maison abandonnée.
Sous la neige épaisse les graines veillent
à la frontière de la cour le vent mauvais s’épuise.
Et si nous sommes restés nus et entourés de loups
notre décision de nous battre reste intacte.
Dimitris Mortoyas, Traduction du grec Angélica Ionatos, Livret « Reste la lumière -ΜΕΝΕΙ ΤΟ ΦOΣ », 2015.
Merci ….un régal, qui me donne le plaisir d’être sur l’ile, une île grecque… bien sûr. Et d’assister en direct à vos poèmes à 4 mains
Tu (re)connais tout, n’est-ce pas ? Si heureuse que tu voyages avec nous, en mots et en images.
Suite (et fin) bientôt : la mer !
… Ni Gorgone, ni serpents, ni racines. Des enlacements amoureux sur le causse du Quercy.
“Puisses-tu garder au vent de ta branche tes amis essentiels. ” René Char, La parole en archipel
Et même mortes (?) les branches s’aiment encore.
Merci pour ces beaux bois d’ailleurs et ces mots en étendards.
Le végétal sur les îles grecques est précieux ; à Kéa, que je crois avoir déjà évoqué, nous campions au bord de l’eau, à quelques kilomètres du port où une “pavtopoleion” nous ravitaillait . Sur le chemin du retour je m’arrêtais sous un figuier : jamais plus depuis je n’ai dégusté des figues semblables, chaudes du soleil, petites et abondantes ;c’était le seul arbre de la piste. . .Régal du goût, qui s’ajoutait aux autres plaisirs que tu suggères si bien.
Oh oui, arbres précieux, comme autant de cadeaux ! Et ces figues que tu évoques, c’est aussi la joie de manger le fruit sur l’arbre : plaisir inégalable. Même les figues de Barbarie – pourtant peu goûteuses comparées aux ” vraies ” – me paraissaient succulentes quand ma nounou me les préparait.
Consolons nous avec ces résurgences…
Ionatos. Merci d’avoir choisi celui-ci. Prophétique, sombre (et pourtant, la lumière…), abouti, un de ses plus mystérieux enregistrements.
Oh oui, quelque chose d’ardent, d’urgent ! Ecouté beaucoup de Tsitsanis 🤗 avant de choisir ce morceau : le texte en est si beau !
Habiter un paysage est toujours un choix (petite réflexion à ta lecture et à celle des commentaires, rien de plus)
Etre habitée par le paysage est un abandon. Toujours se laisser traverser, ensuite tirer les filets…