Ici, camélias et mimosas sont là. Dans toute cette eau hivernale, des souvenirs de lumière et de douceur, d’arbres de soleil. Il y a quelques temps, j’ai parlé de l’eucalyptus-pieuvre mais je me rends compte que je n’ai pas parlé d’un autre arbre fabuleux de l’île de septembre… Pourquoi me vient-il à l’esprit aujourd’hui ? Est-ce parce que j’ai croisé pendant ma promenade des chats et des arbres bizarres ? Est-ce parce que le froid me le rend encore plus exotique et désiré ?
Mais le voici, celui de là-bas, un autre géant :
Il se situe au bi du bout d’un village. Cela lui confère une modestie démentie par ses formes. Il est peu vu, peu admiré. Il s’en fiche allègrement. Il est fessu et content. Il est tranquille et chenu.
Il se penche gentiment sur le sentier.
Il se penche sur les rares passants.
Il abrite un poulailler.
Il ouvre ses bras immenses.
J’aime le mot sempervirens.
Depuis la nuit des temps, le pin est d’essence (!) divine : la déesse Cybèle, symbole de la fertilité se recueillait souvent sous un pin maritime. Par la volonté de Zeus, celui-ci conservait toujours sa verdeur. Comme le sapin et le cyprès, le pin a toujours été associé à la vie éternelle en raison de la solidité de son bois. Et comme toujours, ça ne rigole pas côté mythe. VERSION ÉDULCORÉE : la Fille du Ciel et de la Terre, Cybèle s’éprit du jeune et beau phrygien Atys sur la montagne de l’Ida (Turquie actuelle). Ce dernier était chargé de son culte et devait respecter son vœu de chasteté. Atys oublie son serment et finit par « connaître » la nymphe Sangaride. Cybèle fait mourir la nymphe et frappe de folie son cher et tendre. Atys, désespéré, s’émascule et veut se pendre. Cybèle, compatissante, le changera en pin maritime (pin pignon ou pin parasol). Je renvoie les amateurs de mythologie véridique et bien gore à la véritable histoire : c’est gratiné !
Cette légende explique aussi pourquoi lors de la représentation de l’opéra de Jean-Baptiste Lully, en 1676 (opéra intitulé Atys), un gigantesque pin trônait au beau milieu de la scène. Ce qui nous vaut aussi les célèbres vers de Pierre de Ronsard adressés à Hélène de Surgères :
Je plante en ta faveur cet arbre de Cybèle,
Ce pin, où tes honneurs se liront tous les jours.
J’ai gravé sur le tronc nos noms et nos amours,
Qui croîtront à l’envi de l’écorce nouvelle. *
Pour moi, celui de Kardiani est un archange. Au loin, la mer…
P.S. : aucune photo ne donne l’ampleur et la beauté de l’arbre : c’est que l’on n’a pas de recul suffisant. Il faut imaginer le pin dans son immensité.