Amarres

Sillon marin

On sait toujours qu’un voyage s’achève sauf à être un routard permanent. Ce qui est loin d’être mon cas.
Là, c’est une histoire d’amarres. Dans le mot amarres, il y a d’autres mots. Pas amères, les amarres, qu’on les largue ou qu’on les frappe (c’est le contraire de larguer), qu’on déborde ou qu’on débouque. Il y a bien sûr, le mot MAR, la mer.
Il y a aussi le mot ÂME… Les « âmes rares » même si là, je divague un peu (je dis vague).
Et peut être aussi « elle en amarre » ou « elles se marrent ». La toquée d’étymologie trouve ceci : (XIVe siècle) Déverbal de amarrer, du néerlandais aanmarren (« maintenir attaché au moyen d’amarres »), apparenté à moor en anglais, marer (« amarrer ») en ancien français. Émile Littré écrit : « On a cité [pour étymon] l’arabe مَرّmarr’ (« corde ») ; il est beaucoup plus naturel de chercher dans les langues du Nord, qui ont fourni tant de termes de marine, l’origine de celui-ci.

Va pour l’origine nordique. Alors, on part mais vers l’est. Ce qui enchante dans l’histoire – entre autres choses – c’est qu’on va prendre des bateaux. Et que les voyages sur l’eau dureront assez longtemps pour que partir et arriver soient bien disjoints. Les avions, les aéroports, tout ça, c’est mortel ! Indispensable pour aller où l’on veut rapidement. Mais ces sièges alignés comme des bancs d’école ou d’église, pas de vis à vis, pas de circulation possible.

Le bus des mers

Bon, le décollage, c’est vraiment bien. Mais avec les bateaux, tout est beau…
La terre est si jolie, vue du pont. Qu’on arrive ou qu’on parte. Qu’on longe une côte ou qu’on s’en éloigne. Quand on ne la voit plus, qu’on n’y voit plus que du bleu, on est si seul et heureux ! Un bateau qui flotte et avance sur l’eau, plus ou moins vite, m’étonne autant qu’un zinc qui vole ! Et puis les bruits, les odeurs, le sillon qu’il laisse, sillage pour les puristes, cette trace éphémère et bouillonnante. Vous l’aurez compris, pour moi, la meilleure façon de se déplacer, c’est sur l’eau que j’aime tant, sur un bateau qui va sur l’eau, où je peux aller d’un bord à l’autre, me gorger de remous et autres houles. Chance d’avoir le pied marin.
Parfois, l’eau est si forte, qu’elle devient solide, elle vous porte mais vous enveloppe. Elle est lisse mais mouvante. C’est l’élément par excellence.
Dans tous mes meilleurs souvenirs de voyage, il y a des bateaux et forcément des amarres.

Revenons y. Ou plutôt, larguons les. Elles résument, elles incarnent le voyage. Ces grands lassos de corde, lancés avec force et grâce, qui arriment ou libèrent la nef, le monument qui flotte. Ce soir, j’ai l’âme marine. J’aime les lamaneurs. Laissons parler les poètes :
Le temps passe et n’attend personne. Toutes les amarres du monde ne sauraient le retenir. Il n’a pas de port d’attache, le temps ; ce n’est qu’un coup de vent qui passe et qui ne se retourne pas. Cousine K – Yasmina Khadra

Eh, toi ! Oui, toi qui aimes tant regarder les lamaneurs… Même si ce billet n’est pas un « spécial dédicace », merci pour tout, pour les bateaux et Stan Getz… la liste ne tiendrait pas dans un billet.

0 Shares:
Choisissez de suivre tous les commentaires ou seulement les réponses à vos commentaires
Notification
guest
7 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments
Vous pourriez aussi aimer
Lire la suite

L’île longue

Le bout de l'île : y aller, bien sûr en traversant des lieux fous. Y arriver, s'y baigner. Se dire : j'y suis.