Qui a peur de Virginia Woolf ?

Le sompueux Moonlight, 3ème des Interludes Marins de Benjamin Britten

Une amie me dit : Tu animes un blog et tu n’as encore rien écrit sur Virginia Woolf ? Ça alors !

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C’est qu’elle m’impressionne, la dame. J’étais encore assez jeune lorsqu’une amie plus âgée m’a vivement encouragée à lire Une chambre à soi. Imaginez la réaction du bas-bleu (eh oui, toujours au masculin l’expression ne désignant que des femmes !) découvrant cette femme écrivain ayant tout compris et formulant ce tout à la perfection !  Puis, les autres livres, plus tard, mais avec le même éblouissement. L’envie prend alors non d’écrire sur mais autour et d’évoquer cette femme saisie par son génie et prise dans la ronde des siens, d’une époque, des masques de tous. Il est parfois souhaitable d’ignorer ce que fût la vie de ceux qu’on admire, car l’accord entre l’œuvre et la personne est si discordant qu’on en a de la peine.

Mais il faut quand même que je dise que j’ai éprouvé un immense soulagement lors de la parution de la biographie de Viviane Forrester *, comme si justice était enfin faite. Elle donne une analyse très serrée du témoin magnifique de la Vie – de sa propre vie et ses combats – que fût l’écrivain, la femme-écrivain Virginia Woolf. Ce que dit Forrester, c’est que la vie de Virginia Woolf et celle de ses proches sont remplies de drames, d’équivoques, de malentendus, de mensonges, ce qui est sans doute le destin de nombre d’entre nous.  Mais elle dit aussi que ce qui a filtré de l’écrivain est « revu et corrigé » ; que la légende est quasiment le portrait inversé du mari Leonard Woolf et de la femme, Virginia Woolf : ce que la biographe appelle les trafics de la mémoire.

Certes, elle souffre de son  » métier de folle  » (la formule est de Vincent Van Gogh), mais elle y entre comme on entre dans l’eau, justifiant ainsi sa marginalité et accompagnant du coup celle de son mari juif.

D’une voix unique traversée de voix multiples, celle qui dit souffrir d’une extravagante intensité de perceptions, [..] saisit la pensée à vif avant que le sens établi ne l’ait pervertie. Le son de la phrase lui parvient alors, exact, et la conduit à la pulpe de ce qu’elle convoite […] * et ce, dès le premier roman La Traversée des apparences.

Elle écrira toujours en un effort patient et courageux pour toucher l’invisible (Monique Nathan – Préface de La Promenade au phare) et s’enfoncera dans ce que Proust appelle  » la grande nuit impénétrée et décourageante de notre âme « .

*Viviane Forrester, Virginia Woolf,  Albin Michel, 2009

Un petit bonus musical : un extrait de la musique de Ph. Glass pour The Hours, film de Stephen Daldry

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