– Qu’est-ce que vous faites ?
– J’écris
– Ben, moi aussi, j’écris, pour les vœux, à ma fille qui est à New-York, des cartes postales quand je voyage…
– Non, non, moi j’écris…
– Ah, vous êtes écrivain ?
– Non, j’écris.
Voilà une histoire fascinante : l’aventure de l’écriture ! La polysémie du mot induit bien la complexité de l’acte. Désir ou nécessité de la trace… Une Histoire sans fin.
J’ai souvenir d’être restée médusée devant la beauté d’un boustrophédon de l’île de Pâques sur une tablette rongorongo !
Ce mot vient du grec βουστροφηδόν boustrophêdón, de βοῦς boũs « bœuf » et στροφή strophế « action de tourner » car l’écriture ressemblait au labourage d’un bœuf qui arrivant au bout du champ fait demi-tour pour ouvrir le prochain sillon. Ce qui veut dire que la deuxième ligne – si l’on part de la gauche pour la 1ère – est forcément écrite en miroir ou écriture spéculaire, vous savez, celle qu’employait Léonard de Vinci pour planquer certaines de ses trouvailles (en réalité parce qu’il était gaucher et très ambidextre). À ce propos, toujours pas déchiffrée, l’écriture pascuane et j’aime que ce mystère reste encore inviolé !
Bon, il y a tant à dire… et j’en suis déjà à l’écriture spéculaire de Da Vinci !
Je n’ai parlé ni des scribes, ni des superbes écritures enluminées du Moyen-Âge, ni de l’invention des belles polices de caractères, ni du stylo Sheaffer de mon père… et j’ai déjà envie de parler de l’écriture de la musique ; et de mon émotion quand je vois des autographes de mes musiciens aimés. Ci contre le Dies irae du Requiem de Mozart
Sont-ce les plumes qui m’ont amenée sur le chemin de l’écriture ? Et comme je regrette, bien que participant à cette disparition, de ne plus trouver dans la boîte aux lettres – ou si rarement et qu’ils soient ici remerciés – ces enveloppes portant les écritures si reconnaissables des ami(e)s. Elles sont si différentes, des rondes voire joufflues aux petits vermicelles tout crispés, des très larges qui se vautrent aux très hautes, dont les jambages se perdent dans la ligne de dessous et du dessus, des élégantes dansantes aux douloureuses : diversité infinie des graphies, infinie diversité des personnalités.
Bon. Je suis un peu décalé (comme souvent) pour répondre à Claire au sujet de son boustrophédon pascuan, faut dire que ça n’est pas facile ! En fait, ce qui m’a pris le plus de temps, ça a été de
trouver le début ! Après quelques nuits insomniaques, j’ai bien avancé et ça donne à peu près ceci dans notre langue à nous (je simplifie la syntaxe pour la clarté du message) : ” Faudrait
dire à René qu’il aille chez Zézette parce que, comme j’ai paumé les clefs du camion, on va être embêté pour livrer l’armoire…” et là, ya la grande entaille dans le bois et je perds le
fil. En tout cas, rien que dans ce début nous est révélée cette découverte à la portée que l’on mesure encore (très) mal : les Pascuans connaissaient le camion ! On est scié…
HORUUUUUUUS, hourra l’Horus ! Quelle grande avancée, vraiment ! Pareil pour Champollion : c’est le début le plus difficile… Après, ça roule, ma poule, en voiture Simone, roulez
jeunesse ! Merci d’avoir mis à notre portée cette écriture à la forme et au fonds si riches !!! Sacrés pascuans, en plus des grandes têtes géantes, ils avaient des camions : ceci explique cela.
Ahhhh, je vais m’endormir plus érudite. Merci qui ? Merci Horus.
Quel régal votre texte!Comme un temple du raffinement .
Merci, c’est vraiment agréable, ce compliment. Je m’applique, je m’applique, comme lorsqu’enfant j’écrivais…
Tes textes me laissent toujours pantoise. Tant de beautés de la perception. Qu’une comme ça : c’est toi. Il est beau ce mot : boustrophédon. Tu m’en aurais demandé la signification, j’aurais été
sèche comme de la terre craquée. Oublié le sens. Merci de me le redonner.
Baisers doudoux
Yes, boustrophédon, c’est comme trophée, comme strophe, ça sonne, ça claque, c’est les mots magiques… Il y en a un autre que j’aime bien, c’est palindrome ! On peut vraiment danser avec les
mots ou s’envoler dessus, tapis volants, les mots.
A bientôt, bella !