L’Opéra ou la défaite des femmes… C’est le titre d’un livre de Catherine Clément (1979) où il est dit – entre autres choses – l’indignation de l’auteur quant au sort réservé à la scène comme ailleurs aux femmes. D’après son étude, l’héroïne meurt, assassinée, épuisée, par suicide, dans une cinquantaine d’œuvres lyriques. Décolletées jusqu’au cœur, elles aiment, souffrent, pleurent et… meurent. Mais maintenant, quelque chose me gêne un peu aux entournures dans ce féminisme ; sans doute faut-il se replacer dans le contexte… et de l’écriture du livre et des époques décrites dans les opéras. Le XIXème siècle, ce n’est pas la joie pour les femmes !
Pourtant, ce qu’elle a pu m’agacer, la Butterfly !
D’aimer cet abruti de Pinkerton, de l’attendre, de s’imaginer qu’il va revenir vers elle, pour elle et leur enfant qu’elle a nommé – tenez-vous bien – Chagrin ! Sympa pour le gosse ! Quelle idiote ! Vous y croyez, vous, à cette histoire, “séduite-et-abandonnée-et-qui-espère-encore” ! Non, vraiment, c’est énervant.
Et puis, j’écoute, lentement, profondément et j’entends quelque chose qui vient de loin, du fin fond du chagrin humain, au-delà déjà de la souffrance.
C’est peut-être parce que pour moi, ce que met en scène l’agonie parfois si bruyante de ces femmes est davantage du côté de la mort que de la défaite des femmes ; peut-être que les femmes meurent moins mal que les hommes parce que c’est dans l’acceptation qu’elles quittent la vie… Peut-être.
Callas disait à un metteur en scène qui lui reprochait de ne pas donner plus de la voix lorsque Traviatta se meurt : “Mais, mon pauvre, c’est comme ça qu’on meurt, pas en hurlant !” Elles ne meurent pas en chantant, elles meurent de leur chant. Comme dans ce chœur à bouche fermée, le souffle s’échappe.
Beau à faire pleurer les pierres.
Au XIXe, “pour préserver leur pureté”, les filles sont maintenues dans l’ignorance des choses de la vie, trop violentes pour leur délicate sensibilité. Ce qui, au yeux des hommes, les rend
charmantes mais stupides. Ce que tout le monde sait… Donc, rien d’anormal que Pinkerton abuse de Butterfly, chacun est dans son rôle.
Mais ce que je ne comprends pas bien, c’est pourquoi en faire un opéra ? Que veut-on dire au public ? Que les hommes sont des prédateurs amoraux et les femmes des victimes désignées ? Et on fait
quoi de ça ? Que je sache, la société n’a pas changé pour autant. Ces messieurs ont continué à fréquenter les coulisses à la recherche de butterflies dont le rôle sur scène n’était pas très
différent de leur vie à la ville, toutes artistes qu’elles étaient.
La défaite des femmes qui scandalise Catherine Clément ne devait en ces temps scandaliser grand monde, c’était la vie, avec ses hauts et ses bas. “- Après tout, Butterfly l’a bien cherché !” Et
plus j’y pense, plus je me dit que sans la pilule, on y serait peut-être encore. On ne dira jamais assez l’importance sociale de cette pilule.
Beaucoup de choses à dire, cher Horus…
Je crois que ce que le librettiste pensait n’a pas tant d’importance : le fait que ce soit une japonaise minimise peut-être la veulerie du monsieur (???), Pinkerton l’aimait bien quand même, sa
Butterfly… Mais le statut des femmes bien que très peu enviable donne quand même matière à raconter des histoires et la mort des femmes est la seule porte de sortie pour tout le monde !!
Tout à fait d’accord avec vous sur l’immense changement de mœurs induit par la contraception ; mais j’ai bein peur que tout ne soit pas réglé pour autant.