Ce que l’eau ne dit pas

Quand on sait écouter l’eau et ses secrets : toutes sortes de bêtes, de mouvements, de couleurs, tous les bleus.

J’ai raté toutes mes photos. Tant mieux : il faut dire.
Chance de septembre. Le Bassin démaquillé, tel qu’en lui-même. Plus de cosmétiques, plus de bruits, plus de parasites en parade. L’eau, le ciel, quelques bateaux et, à marée montante, tout un petit monde agité.
D’abord un banc de trogues, ici c’est leur nom. Ils farfouillent au bord, très occupés. Parfois, un flanc d’argent… L’eau rigole.
Puis, des crabes, beaucoup de petits crabes verts. L’un attaque un plus petit : il avance, pinces dressées ; l’autre recule, pinces dressées aussi. Puis le gros me voit et recule, pinces levées vers moi. Le petit n’y croit pas et charge le gros… puis me voit. Et tous les deux reculent, côte à côte, toujours pinces en l’air. Beau tango ! L’eau clapote.

Une mouette s’égosille. Pourquoi  » mouette rieuse  » ? Si on riait comme ça, tout le monde hurlerait de trouille. Non, elle braille. Posée sur l’eau, non loin de moi. Elle se laisse approcher, elle se balance sur l’eau, peinarde.
Dans l’eau, surtout rester à l’horizontale car elle est tiède sur dix centimètres en surface et dessous, elle est glacée. Et ça, elle ne le dit pas, l’eau ! Donc planche et loutre. Planche pour regarder le ciel ou parfois passe une belle voilure.

 

Les photos de ce billet sont de Clarisse Mèneret. Elle a illustré notre livre L’Herbe Bleue dont voici un extrait.

 

 

 

BASSIN VIII

Bravache, un oiseau pêche, appuyé au ciel

Poussés par le vent, tirés par l’eau, le temps s’arrache et le passé gerce. Ils tirent sur leur mors.

Nous adoptons ici des voix de taffetas, humectées de salive salée.

Distraits, tête penchée, en suivant la traque ébrieuse des mouettes, ceinturés par l’air bruyant, nous cherchons en vain le fourreau du silence.

L’Herbe octobre 2003

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