Dieu a dit : tu aimeras ton prochain comme toi-même.
D’abord, Dieu ou pas, j’ai horreur qu’on me tutoie.
Pierre Desproges.
Mon amie anglaise me dit toujours qu’il existe en français une nuance fondamentale et infiniement précieuse : le tutoiement et le vouvoiement. Et voilà que ce raffinement langagier est en train de disparaître, la faute aux américains, bien sûr !
Et puis, c’est compliqué car le VOUS recouvre trois situations : une personne qu’on vouvoie ; plusieurs personnes qu’on tutoie ; plusieurs personnes qu’on vouvoie.
On se souvient de la célèbre réplique de Jean Gabin le voyou à Michèle Morgan la bourgeoise bien élevée, « T’as d’beaux yeux, tu sais », auquel elle répond : « Embrassez-moi » – puis, après le premier baiser :« Embrasse-moi encore ». Ce qui me fait penser que, dans le cinéma de ma jeunesse, l’on comprenait que l’homme et la femme avaient couché ensemble – la scène n’était pas montrée – lorsqu’ils se tutoyaient le plan suivant. Tiens, ça, c’est fait.
Et la Miss Ming dans Mammuth qui dit si joliment à Depardieu : je peux te vouvoyer ? Voilà, elle l’aime tant qu’elle préfère le voussoyer – comme disent les gens qui connaissent la langue française – et en plus, elle lui demande !
Qui vouvoie-t-on, pourquoi ? Quand passe-t-on de l’un à l’autre ? C’est si subtil parfois… Et quand le temps du changement est passé – cela se joue parfois à la microseconde – on n’y reviendra plus. Sauf grosse fâcherie. Il y a des tutoiements qu’on regrette, des vouvoiements qu’on chérit. Et vous, qui vouvoyez-vous ?
P.S. : Allez-vous-en, pauvre sot a quand même une autre allure que Casse toi…, non ?
P.P.S. : Amis d’Albertine et de Swann, ne croyez pas que j’ai oublié notre rendez-vous avec le TEMPS : ça mijote à feu doux.
tout cela est très juste, une fois de plus Tempesdutemps aborde les vrais sujets, et avec pertinence, finesse et conviction (merci tempesdutemps!). L’invasion du tutoiement est une forme de
terrorisme intellectuel et social insupportable. On finit par se sentir coupable, antisocial, hautain et désagréable lorsqu’on ne tutoie pas. N’empêche, il faut résister. Ma technique maintenant
est au point : je dis carrément “désolé mais moi je ne sais pas tutoyer” (ceci pour les gens qui ne me sont rien, ou pas grand chose, à savoir en particulier les relations de travail, la forme la
plus superficielle qui soit, je parle là rapports entre gens qui ne peuvent décemment pas s’appeler “camarade” (qui implique le tutoiement parce que relation de vraie solidarité), car ils n’en
ont au fond, une fois sortis de leurs 35h – ce qui arrive assez vite, car 35h c’est vite passé – rien à faire de leurs collègues de bureau (je parle du bureau, pas de l’usine, s’il en
reste, que je n’ai pas pratiquée). Bref, tout cela n’est pas réjouissant, car ça traduit une uniformisation des relations, un mode de pensée unique, un conformisme qui que quoi, etc. La
prochaine fois merci tempesdutemps de nous faire qqchose sur le “bisou” (dont je m’étonne en ces temps d’obsession sécuritaire et sanitaire qu’il ne soit pas interdit, mais au contraire
prolifère).
Et très juste aussi la remarque sur le cinéma (c’était pareil dans les séries noires). Pas besoin de montrer ou décrire dans les détails héros et héroïne (je ne parle pas de la blanche, enfin si
, elle est d’ailleurs blanche en général, l’héroïne, sauf chez Chester Himes ou Spike Lee sauf qd il s’agit de l’autre héroïne, mais enfin vous voyez ce que je veux dire), bref les héros
s’envoyant en l’air. On a compris qu’ils allaient le faire, et qu’ils l’ont fait. très bien (et ça faisait vendre tout aussi bien).
Bref, est on un affreux réactionnaire ou tout simplement conservateur, si on dit que c’est quand même dommage que, quand les choses changent, c’est toujours en pire?
Fort bien dit ! On sent bien le vécu et la réflexion sur ce problème car c’en est un : quand le code change, c’est la société qui change (ou inversement) ; en l’occurence, confondre proximité et
promiscuité, juste distance et faux rapprochement, familiarité et vulgarité etc. etc.
Le ” bisou ” ? Promis, je vais m’y attaquer : il y a de quoi faire !
Ah la la quelle chanson !!!!! je l’ai adorée… Ce décalage dans l’adresse et cette voix flûtée… “Que disiez-vous ?”
J’en étais sûre !! Vraiment…